Réflexions sur des « questions de boîtes de scrutin » à la veille de l’élection
Comme bon nombre le savent, j’ai récemment achevé une tournée de conférences dans l’est du Canada pour le compte de l’IGF. Cette tournée m’a donné l’occasion de réfléchir et de mettre de l’ordre dans mes idées au sujet de la prochaine élection. Et même si les gens que j’ai rencontrés dans l’Est ont peut-être déjà entendu ces réflexions, je tiens à les partager avec vous aujourd’hui.
Il y a un certain nombre d’enjeux importants qu’il faut prendre en compte quand vient le temps de décider pour qui voter. Et, bien que je vous encourage à vous renseigner à cet égard, je ne suis pas enclin à vous dire quels enjeux sont les plus importants ni quel parti appuyer. La décision vous appartient. Ce que je vais vous dire, toutefois, c’est quels enjeux me tiennent le plus à cœur, et l’imposition est l’un d’entre eux.
Pourquoi les impôts revêtent-ils tant d’importance pour moi? Parce qu’ils ont d’énormes incidences sur la capacité du gouvernement de financer des services publics et des programmes de qualité. En votre qualité de FI, vous savez que, pour établir la balance, il faut tenir compte des deux colonnes du grand livre, ne pas laisser de recettes en dehors de l’équation pour mettre l’accent exclusivement sur des compressions. L’opinion prédominante des gouvernements depuis des années, c’est la « théorie des effets de retombée », l’idée que la réduction des impôts des sociétés crée des emplois. Cependant, il ne suffit pas que quelque chose soit l’opinion prédominante pour en garantir la véracité – ou la sagesse. Prenez quelques instants pour regarder cette vidéo, que j’ai trouvée fort instructive sur ce point (en anglais) : https://www.youtube.com/watch?v=CKCvf8E7V1g.
Des études distinctes menées par le Centre canadien de politiques alternatives et l’American Congressional Research Service ont toutes deux révélé qu’il n’y a pas de corrélation entre des impôts réduits et un taux d’emploi élevé. Les données sur l’emploi au Canada le prouvent assurément : le taux d’imposition des sociétés au Canada a diminué de 13 % depuis l’an 2000. Entre-temps, à seulement 1 %, le taux de création d’emplois au Canada au cours des neuf dernières années est le pire depuis 1946.
En outre, malgré ce faible taux d’imposition des sociétés au Canada, un grand nombre de sociétés se livrent encore à diverses formes d’évasion fiscale et d’évitement fiscal, notamment en exploitant des abris fiscaux et des échappatoires dans la manipulation des prix de transfert. Le coût annuel de l’évitement fiscal et de l’évasion fiscale au Canada s’établit à 81 milliards de dollars. Pensons-y un instant : non seulement ces sociétés ne créent-elles pas d’emplois, mais elles coûtent aussi au gouvernement des milliards de dollars qui pourraient être affectés aux programmes et aux services destinés à tous les Canadiens et Canadiennes.
Parallèlement à la dette nationale du Canada qui augmentait à plus de 600 milliards de dollars, les réserves financières des sociétés canadiennes augmentaient, elles aussi. Le « capital forteresse » canadien s’élève actuellement à 600 milliards de dollars. Si vous vous demandiez où était passé tout ce financement des allégements fiscaux, vous le savez à présent. De toute évidence, les allégements fiscaux accordés aux sociétés n’ont pas été consacrés à la création d’emplois. Cela ne devrait pas étonner la plupart d’entre nous. La principale raison d’être des sociétés, c’est d’enrichir leurs actionnaires – pas d’accroître l’emploi. Le gouvernement a pour tâche de créer des programmes pour protéger et servir ses citoyens et citoyennes. Il a pour tâche de créer le climat propice à garantir des débouchés justes et équitables pour tous et toutes. Le gouvernement a pour tâche de faire en sorte que nous fassions tous et toutes notre part dans la prise de nos responsabilités sociales collectives.
Le 19 octobre, vous aurez l’occasion de façonner l’orientation du pays et d’aider à construire un meilleur avenir. Je vous encourage à saisir cette occasion et à le faire de manière très éclairée. Faites des recherches, posez des questions et interrogez les représentants de tous les partis sur les enjeux auxquels vous accordez le plus d’importance.
Rappelez-vous – voter n’est pas simplement qu’un droit, c’est une responsabilité. Faites en sorte d’avoir votre mot à dire sur les enjeux qui sont le plus importants pour vous.
Milt Isaacs, CPA, CMA, CPFA
Président, Association canadienne des agents financiers