Le 28 avril est une Jour national de deuil pour ceux et celles qui ont perdu la vie au travail. Le 1er mai, nous avons célébré la Journée internationale de travail. Dans ce contexte, 470 (chiffre provisoire) parmi les travailleurs et travailleuses les plus mal rémunérés au monde ont perdu la vie au travail la semaine dernière, lorsque le bâtiment où on leur avait ordonné de continuer à travailler s’est effondré 24 heures après avoir montré des signes de graves dommages structuraux.

Ce genre de catastrophe inutile est chose courante dans les pays où les êtres humains sont considérés comme sacrifiables à la poursuite aveugle du profit; où les sociétés ne sont pas comptables aux pays dans lesquels ils font affaire; où le seul droit du travail du travailleur ou de la travailleuse est le droit au travail.

La tragédie humaine survenue au Bangladesh est un cruel rappel de ce qui se produit lorsqu’il n’existe pas de normes du travail. Le milieu de travail au Canada ne saurait se comparer à celui du Bangladesh, mais il est difficile de ne pas prendre conscience que nous nous rapprochons de cette voie plutôt que de nous en éloigner.

Plus tôt ce mois-ci, la marmite a explosé dans le cas du Programme de travailleurs étrangers temporaires du Canada, un programme fédéral qui permet aux entreprises de faire venir des travailleurs étrangers à salaires, avantages sociaux et sécurité d’emploi réduits pour exercer des tâches pour lesquelles aucun Canadien ou aucune Canadienne n’est censé avoir les compétences nécessaires. Compte tenu que plus de 4 000 entreprises se prévalent de ce programme – y compris Rogers Communications, Tim Horton’s et Walmart –, il est manifeste que bon nombre, voire la plupart, de ces entreprises y ont recours pour se soustraire aux normes du travail établies.

Le Canada s’est doté de telles normes pour une raison, et nous ne devrions pas créer de moyens légaux de nous y soustraire. Il est important de se rappeler que, si nous prospérons, c’est grâce à des normes de santé et de sécurité au travail établies par règlement qui sont le fruit du sang, des sueurs et des larmes des Canadiens et des Canadiennes qui se sont regroupés en syndicats et ont collectivement exigé de meilleures conditions de travail que celles qui prévalent encore à l’heure actuelle au Bangladesh.

Les syndicats continuent à jouer un rôle crucial dans la protection de la sécurité des travailleurs et travailleuses. À preuve, il suffit de penser aux gardiens d’établissements correctionnels en Alberta, qui avaient refusé d’obéir aux ordres de retour au travail tant qu’on n’avait pas tenu compte de leurs préoccupations en matière de sécurité. Un des points en litige dans les négociations collectives de l’ACAF, actuellement en attente de décision arbitrale, est l’élargissement des dispositions relatives au harcèlement pour inclure toutes formes de harcèlement, entre autres, le taxage, l’intimidation, ou tous autres comportements qui pourraient rendre un milieu de travail dangereux ou malsain.

Ainsi, lorsque nos dirigeants élus rédigent des projets de loi visant à affaiblir nos droits à la négociation collective, comme les lois de retour au travail, le projet de loi C-377, les lois du droit au travail, ou les 200 autres lois du travail restrictives adoptées depuis 1982, nous devons nous demander comment de telles mesures pourraient contribuer au mieux-être de la société.

Ceux et celles qui nous ont précédés se sont battus pour notre droit à la sécurité au travail. Combien d’autres tragédies nous faudra-t-il encore déplorer avant que nous ne nous rendions compte que c’est à nous qu’il incombe maintenant de reprendre le flambeau et de parler au nom de ceux et celles qui n’ont pas de porte-parole?

La seule façon de protéger les travailleurs et travailleuses, étrangers comme canadiens, c’est de tenir ces multinationales responsables de garantir les droits fondamentaux de la personne à la sécurité et à l’équité de traitement en milieu de travail. Je vous incite tous et toutes à écrire à votre député(e) pour exiger des lois obligeant les entreprises qui font affaires au Canada à offrir à leurs employés les mêmes normes du travail que celles auxquelles nous nous attendons dans notre pays.

Les aiguilles de notre compas moral pointent vers la compassion. En notre qualité de Canadiens et de Canadiennes, à nous de voir à ce que notre sens moral ne fléchisse pas aujourd’hui.

Date: 2013-05-03