L’histoire de deux secteurs : la corruption, les droits des travailleurs et la nécessité d’une voix mondiale
Deux nouvelles ont récemment mis en relief de façon frappante combien les dés sont pipés contre ceux et celles qui défendent les travailleurs et les employés.
Premièrement, parlons du projet de loi C-377 – un projet de loi d’initiative parlementaire qui a été piloté et accéléré devant les deux chambres du Parlement du Canada avant la relâche estivale, malgré les inquiétudes de – à vrai dire, presque tous ceux et celles qui en ont pris connaissance. Ce projet de loi qui comporte de nombreuses lacunes déjà dénoncées par l’ancien sénateur conservateur Hugh Segal (aujourd’hui malheureusement à la retraite) constitue une intrusion inutile dans les opérations des syndicats et il est de toute évidence l’œuvre d’un groupe d’activistes antisyndicaux qui ne veulent rien d’autre que de miner ceux et celles qui parlent au nom des travailleurs.
Oh, il est aussi probablement inconstitutionnel.
Et pourtant, le gouvernement n’a été que trop heureux de faire en sorte qu’il soit adopté, notamment en obligeant le Sénat à rompre avec ses conventions bien établies pour exiger un vote.
À peine quelques semaines plus tard, toutefois, nous avons eu un exemple frappant de la façon dont ça fonctionne de l’autre côté.
Il y a plusieurs mois, on a fait grandement état des efforts du gouvernement, qui se faisaient attendre depuis longtemps, pour punir les entreprises reconnues coupables de corruption à l’étranger. Il a été interdit à ces entreprises de soumissionner pour des marchés de l’État au Canada. Et des groupes de pression du milieu des affaires ont immédiatement protesté.
Ces protestations ont porté fruit. Le gouvernement a assoupli ses règles. Et, malgré cela, certaines entreprises déclarent que d’autres concessions d’imposent.
Peu importe que 2,6 mille milliards de dollars soient perdus chaque année à la corruption. Peu importe que la lutte contre la corruption puisse rendre le monde meilleur, plus sûr et plus égal. Le groupe de pression du milieu des affaires a exigé des changements, et on y a donc accédé.
Et la population craint que les syndicats soient trop influents?
Lorsque l’ACAF a amorcé des activités de rayonnement mondial, établissant des liens avec l’Internationale des Services Publics et lançant l’initiative sur le financement de la démocratie, certains se sont demandés pourquoi un syndicat à vocation nationale comme le nôtre se donnerait la peine de s’engager sur la scène internationale.
Il va sans dire que les raisons abondent, mais la principale, c’est que les gouvernements et les entreprises font la même chose depuis des années. Et, à vrai dire, les syndicats accusent du retard. Lorsqu’on voit le genre de pouvoir et d’influence que ces groupes peuvent utiliser pour défendre leurs intérêts, on commence à prendre conscience de toute la mesure dans laquelle les règles du jeu sont faussées.
Pendant que les syndicats restaient en retrait, le monde a changé. L’austérité et la confiance dans le milieu des affaires sont devenues la norme; les gouvernements ont abdiqué leurs responsabilités au nom de la compétitivité mondiale. Les entreprises sont devenues suffisamment puissantes pour réécrire les règles relatives aux pratiques commerciales corrompues, pendant que les gouvernements enlevaient toute pertinence aux syndicats par voie législative.
Le temps est venu de rétablir l’équilibre.
Milt Isaacs, CPA, CMA, CPFA
Président, Association canadienne des agents financiers