L’histoire se répète, et nous n’en avons toujours pas tiré de leçon. Notre société est en voie de se déchirer. L’inégalité de revenu augmente depuis 20 ans, et nous sommes actuellement au cœur de la spirale descendante de la classe moyenne. Il s’agit d’un facteur qui contribue aux problèmes financiers de notre pays.

Le Conference Board du Canada a récemment confirmé que les très riches ont accru leur part du revenu national total au cours des 15 dernières années, tandis que les salariés à revenu faible et moyen ont perdu leur juste part. Cette répartition inégale de la richesse a entraîné un déséquilibre de l’économie.

Nous pouvons constater que l’histoire se répète du fait que notre économie favorise les riches et affaiblit les salariés de la classe moyenne. Comme Robert Reich l’a expliqué, au début du XXe siècle, Henry Ford a pris conscience que, s’il payait suffisamment ses employés, ils deviendraient des consommateurs. Ce geste a valu des critiques à Ford; certains ont même déclaré qu’il commettait un crime économique en payant ses travailleurs le triple du taux courant. Sa stratégie a porté fruit; ses travailleurs ont pu acheter les produits qu’il fabriquait, et ses bénéfices ont doublé. D’autres employeurs lui ont emboité le pas. Lorsque l’économie s’est affaissée vers la fin des années 20, les employeurs sont revenus à leurs anciennes façons de faire affaires. Tous les gains obtenus lors de la grande récession économique sont allés aux sociétés. Seuls les riches ont continué de s’enrichir. Les salariés de la classe moyenne et les travailleurs à faible salaire se sont endettés davantage.

De nos jours, nous constatons la même tendance. Les sociétés et les gouvernements font des bénéfices ou réduisent les ratios d’endettement par des compressions d’effectifs et des réductions salariales. Il en est résulté un écart salarial qui a joué un rôle dans la récente crise financière, tout comme lors de la grande récession.

Quand on place l’inégalité de revenu dans le contexte actuel, nous constatons une tendance croissante au recours à la main-d’œuvre étrangère et aux lois antisyndicales. L’État du Michigan se veut une preuve concluante que le « droit au travail » ne favorise pas la création d’emplois. Depuis qu’une loi du droit au travail y a été adoptée en mars 2012, les taux de sous-emploi et de chômage ont augmenté.

Sears Canada et la Banque Royale du Canada sont de récents exemples de multinationales qui ont eu recours à des effectifs outre-mer et qui ont abandonné nos localités pour économiser sur les frais de main-d’œuvre. Elles quittent nos localités pour exploiter des travailleurs étrangers et éviter des engagements sociaux. L’Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie constitue un exemple classique de la manière dont les accords commerciaux facilitent la migration des emplois et l’exploitation de la main-d’œuvre dans les pays en développement. Les problèmes d’inégalité passent d’un littoral à l’autre. De récents accords commerciaux, comme l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), doit comporter des dispositions de protection des travailleurs pour régler les problèmes de délocalisation et d’évasion d’engagements sociaux. Nos gouvernements doivent forcer les sociétés à faire preuve de responsabilité sociale parce que ces formes d’évasion de partage de la richesse nuisent à nos collectivités. Ce n’est qu’une question de temps avant que le château de cartes ne s’écroule.

La concentration du revenu chez l’élite demeure un problème pour l’économie tant au pays qu’à l’étranger. Pour avoir une économie équilibrée avantageuse pour tout le monde, nous avons besoin de comprendre le problème. Comme Owen Jones, journaliste et chroniqueur britannique, l’a expliqué à la Conférence du Chartered Institute of Public Finance & Accountancy, notre économie a besoin de personnes qui ont les moyens d’acheter les biens et services que nous produisons. Nous devons redonner à l’économie la demande des consommateurs. Les politiques actuelles ne fonctionnent pas. L’austérité engendre la crainte chez la classe ouvrière; les gens craignent de perdre leurs emplois et, par conséquent, ils cessent de dépenser de l’argent, d’où une baisse des recettes fiscales. Des compressions salariales et des réductions d’autres avantages ne viendront pas renforcer l’économie.

Au lieu de tenter d’affaiblir la voix collective des salariés de la classe moyenne, les gouvernements doivent rééquilibrer l’économie. Le gouvernement est censé être un gouvernement pour les gens. Nous devons faire front commun et nous donner une voix pour inciter notre gouvernement à se montrer plus innovateur dans l’établissement de cet équilibre.

Milt Isaacs, CMA, CPFA
Président, Association canadienne des agents financiers

13/11/2013