Richard : Les agents financiers en ont assez de la « roulette russe » du système de paye
Le président de l’ACAF, Dany Richard, était invité aujourd’hui à Your Morning, l’émission nationale du matin du réseau CTV, pour parler de L’étude d’impact de Phénix sur la communauté FI et des répercussions de la débâcle du système de paye qui se font toujours sentir. La transcription en français figure ci-dessous.
http://www.ctv.ca/YourMorning/Video/Phoenix-pay-system-issues-are-completely-unacceptable-vid1016909
Anne-Marie Mediwake : Dany Richard est le président de l’Association canadienne des agents financiers, le syndicat qui représente les gestionnaires financiers du secteur public. Il ne s’agit pas des employés qui administrent le système Phénix. Ces fonctionnaires sont, eux aussi, touchés par la pagaille. Dany se joint à nous d’Ottawa, ce matin. Bonjour !
Dany Richard : Bonjour, Anne-Marie.
AMM : Dans votre secteur, quelle est l’ampleur de ces problèmes liés à Phénix ?
DR : Eh bien, c’est là toute la question. Personne ne sait qui sera touché. Chaque jour, c’est comme jouer à la roulette russe; personne ne sait qui sera touché. Les employés se regardent les uns les autres et se demandent : « Qui sera le prochain sur la liste ? » Il y a des gens qui n’ont demandé aucun changement à leur dossier de paye et, pourtant, ils ont reçu plusieurs centaines de dollars de moins, ou même plus. Certains sont revenus d’un congé parental et ne sont pas payés. D’autres sont revenus d’un congé de maladie et ne sont pas payés. Des personnes prennent leur retraite et ont très peur de ne pas toucher leur chèque de paye, leur pension de retraite. Personne ne sait qui est à l’abri.
AMM : Vous savez, c’était la même chose dans le cas d’Omar. C’est plus qu’une simple question d’argent, il y a de vraies personnes dans des situations bien réelles derrière ces histoires.
DR : Absolument, des vies sont en jeu. Les gens ont des responsabilités financières. Les gens doivent utiliser à la limite leurs cartes de crédit, encaisser leurs REER, refinancer leurs hypothèques. Je connais des membres qui sont mères célibataires et qui ont dû frapper à la porte du voisin ou de la voisine pour emprunter de l’argent. C’est tout à fait inacceptable. S’il s’agissait de tout autre employeur, il y aurait de graves conséquences, des sanctions, mais, tout ce qu’on fait à l’heure actuelle, c’est de nous dire : « Nous sommes désolés, c’est inacceptable. » Il faut bien le dire en toute franchise, nos membres ne sont pas payés, et des excuses ne régleront pas leurs factures. Il faut que des mesures concrètes soient prises parce qu’au bout du compte, ces personnes ont gagné leurs salaires et méritent d’être payées.
AMM : Dany, je ne sais pas si vous pourrez me répondre, mais je suis curieuse de savoir pourquoi il semble que la paye des politiciens ne soit pas touchée. Ce sont essentiellement des fonctionnaires, il y en a des milliers… les politiciens dépendent-ils d’un autre système de paye ?
DR : C’est le même système de paye, mais le problème avec Phénix, c’est qu’on ne sait jamais qui sera touché. Je crois que le gouvernement tente vraiment de régler ce problème, je le crois, mais nous n’y consacrons pas suffisamment de ressources pour y parvenir, et c’est ça qui est très effrayant pour nous, personne ne sait qui sera le suivant. Bref, ils ne dépendent pas d’un autre système de paye, mais ils pourraient être les prochains touchés. Toutefois, tous ceux et celles qui ne touchent pas leur chèque de paye ne veulent pas se faire dire : « Voici ce que nous avons fait, nous travaillons d’arrache-pied pour vous. » Ils ont juste besoin de leur argent. Je tiens d’abord à dire que le premier ministre Trudeau a, l’année dernière, envoyé une lettre ouverte aux fonctionnaires dans laquelle il déclarait qu’ils devaient rétablir la confiance dans la fonction publique, et nous sommes d’accord avec eux, mais regardez où nous en sommes à l’heure actuelle. Nous sommes sans convention collective depuis deux ans, l’inflation gruge nos salaires et, pour comble, nous privons des gens de leurs salaires, de leur chèque de paye. Je suis reconnaissant que nos membres soient des professionnels, qu’ils tirent fierté de leur travail, qu’ils se présentent encore au travail chaque jour parce qu’ils savent que les contribuables se fient à eux pour maintenir l’intégrité et la gouvernance financières de la fonction publique. Ils respectent leur employeur, ils respectent leurs collègues, ils respectent les fonctionnaires, mais, en retour, on ne leur accorde pas le même respect.
AMM : Dany, vous et vos membres faites partie du secteur des finances, et je crois savoir que vous avez effectivement apporté une certaine contribution et exprimé des inquiétudes avant même l’établissement de Phénix. Il doit donc être très frustrant de constater aujourd’hui tous ces problèmes qui ont surgi.
DR : Absolument. Nous avions de graves inquiétudes dès le départ. Notre syndicat et bon nombre d’autres syndicats ont averti le gouvernement que c’était une entreprise gigantesque. Et on nous assuré à maintes reprises : « Ne vous inquiétez pas, tout est sous contrôle. » Or, tel n’était pas le cas. En avril, fiasco complet en partant, puis le gouvernement nous a rassurés : « Ne vous inquiétez pas, tout sera réglé d’ici le 31 octobre. » Nous étions conscients qu’il y aurait des contretemps et nous leur avons donné le bénéfice du doute, mais qu’est-il arrivé le 31 octobre ? Rien n’a été réglé. Nous avons mené un sondage auprès de nos membres — nous sommes des comptables, nous aimons les chiffres — et nous leur avons demandé : « Dites-nous, combien d’entre vous sont touchés à l’heure actuelle ? » 72 % de nos membres nous ont déclaré avoir été touchés d’une façon ou d’une autre par la débâcle de Phénix. Et ce qui est encore plus choquant, c’est que 85 % de nos membres, après cette date butoir du 31 octobre que le gouvernement s’était imposée, sont encore aux prises avec des problèmes de paye. Il est donc peu rassurant pour nous que le gouvernement nous dise : « Ne vous inquiétez pas, tout sera réglé d’ici une couple de mois. » Et ce qui est encore plus inquiétant, ce sont les T4. Comme comptable, je peux vous dire que les T4 constituent un document très important et, comme il faudra leur apporter toutes les corrections voulues, je suis vraiment préoccupé par ce qui se produira dans une couple de mois.
AMM : Comme nous tous, d’ailleurs. Dany Richard, merci de vous être joint à nous d’Ottawa, aujourd’hui.
DR : Merci, Anne-Marie.